PubGazetteHaiti202005

ENTRE LA FRANC-MACONNERIE UNIVERSELLE ET LA FRANC-MACONERIE HAITIENNE

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Tous les 24 juin, les francs-maçons haïtiens et du monde entier du rite d’York de toutes les obédiences, qu’elles soient considérées comme régulières ou pas par rapport à d’autres obédiences, s’investissent les temples maçonniques et les rues, c’est la commémoration de la Saint Jean le Baptiste, le patron de la franc-maçonnerie. Une institution, une philosophie, une mission et un but. Lutter ensemble pour l’élévation de l’esprit et pour arriver pleinement au perfectionnement de l’humanité au point de vue moral, ainsi dit-on couramment que les francs-maçons sont appelés à reconstruire le monde, la mission semble être bien établie. En effet, l’humanité se trouve au centre des priorités de la Franc-maçonnerie au premier plan, c’est de la philanthropie.

Cependant pour reconstruire le monde, il faut d’abord construire l’homme (l’être), donc la perfection de l’homme devient le but de la franc-maçonnerie universelle. Ainsi dire, de manière idéale, la philosophie de la franc-maçonnerie préconise un monde vertueux, c’est pourquoi dans les temples maçonniques, des luttes incessantes existent entre ces deux (2) antagonistes la vertu et les vices, et ils ont tendu toujours des pièges aux vices pour enfin garder la vertu. 


La franc-maçonnerie, existant de plus d’un siècle en Haïti, un instant de la réalité de la société haïtienne, à un point de vue multiple, nous interpelle sur l’objectif et la mission de la franc-maçonnerie dans cette société, ce qui pousse plus d’un à faire de telle interrogation : Pourrait-on reconnaitre la franc-maçonnerie haïtienne à travers les valeurs universelles de la franc-maçonnerie ?

Dans une perspective pour éclairer ce qui semble être confusion, entre l’idéale et la réalité, l’interrogation doit être approchée avec dextérité et de l’objectivité, afin de mieux apprécier la problématique posée et pour trouver des éventuels éléments de réponses à la question suscitée. A cette fin, de brèves réflexions s’inscrivent à  travers un décryptage de l’essence de la franc-maçonnerie, son devenir, ses contraintes ailleurs et les raisons du devenir en Haïti, bien que les démarches ne tiennent pas compte d’un schéma historique.  

La Franc-maçonnerie et sa philosophie

La franc-maçonnerie, passée d’un stade opératif à un stade spéculatif, depuis étant le travail d’un franc-maçon n’est plus un travail physique, mais plutôt symbolique. De même que de manière sociologique, les symbolisés sont incarnés par les symboles et qui portent un message à déceler, par le travail de l’esprit, les francs-maçons sont sujets à la connaissance par la découverte de la lumière, c’est le symbolisme des mystères maçonniques. Entre autres, par la méditation, les esprits sont appelés à s’élever. Et, toute élévation spirituelle, intellectuelle et morale de l’esprit, elle est celle de l’humanité, voila le concret de la franc-maçonnerie. La franc-maçonnerie, elle, trouve ses racines dans l’église, ainsi la vertu, il est un mot très prisé dans l’institution maçonnique. Car les morales chrétiennes ont tenté de substituer le bonheur à la vertu comme le but de l’existence, il ya longtemps. En philosophie, le bonheur peut se définir comme l’état complet de satisfaction. Epicure eu a écrire le premier traité du bonheur : la lettre à Ménécée, et il postule que le but de la vie des hommes est le bonheur, une fin parfaite et un souverain bien, c’est-a-dire le sommet des biens. Cependant, le bonheur dans sa conception philosophique ne se laisse jamais donner à l’homme, c’est une projection et une vision, dit Leibniz. C’est-a-dire, une personne n’arrivera jamais à un point où elle n’a rien à désirer. Le dilemme, en dépit que les francs-maçons doivent constamment s’efforcer pour atteindre la perfection qu’elle soit morale, intellectuelle, spirituelle... Elle est une lutte perpétuelle et dans laquelle est caché le progrès. Idéalement, en s’élevant comme franc-maçon, on élève aussi la société, le bonheur de l’humanité est celle de la franc-maçonnerie. Il n’est pas sans raison qu’un franc-maçon est pris pour une lumière partout où il est, c’est un mystère. Cependant à défaut de la conscience de ce qu’on est, ceux qui sont considérés comme des vices (Cupidité, égoïste, matérialiste…), sont dominants ou remplacés par rapport à ceux qui sont considérés comme des vertus. Dans un contexte tel, aucun intérêt n’est éprouvé pour l’élévation de la société étant que francs-maçons, mais l’intérêt est plutôt personnel. Alors que l’intérêt personnel et celui du général doivent être un pour un franc-maçon, et il en découle de la philosophie maçonnique, au regard de sa mission. Cependant, pour que la mission de l’institution soit bien remplie, faudrait-il le travail acharné de ses membres, dans la mesure où ses adeptes sont conscients de la raison d’être de l’institution, à laquelle ils sont rattachés. Entre autres, ne faut-il pas se questionner de la mission de la franc-maçonnerie, et entant qu’institution, confrontée à des réalités distinctes dans des pays différents, n’est-elle pas passée outre sa sa philosophie ?

La franc-maçonnerie haïtienne et sa réalité propre

Universellement, la franc-maçonnerie est connue pour une institution philosophique, ésotérique et philanthropique. Comme toutes institutions, c’est une philosophie qui donne l’orientation et jette les lignes, c’est-a-dire qui crée l’identité maçonnique. Etant qu’institution à caractère philosophique, la réflexion et la méditation se trouvent au centre des activités maçonniques. Malheureusement, tel n’est pas aussi vrai partout et ailleurs et Haïti n’y échappe pas du lot. Dans la grande majorité des loges ou bien dans beaucoup de temples maçonniques haïtiens, le (mysticisme) prime sur presque tout dans les pratiques, à quelques rares exceptions. Certes, les activités spirituelles et mystiques ne sont pas contraires aux pratiques maçonniques, d’abord elles font partie intégrantes de la franc-maçonnerie. Mais, d’une part, mystique pour faire quoi, et d’autre part, est-ce-que le mysticisme peut changer une société ? Si on parvient à demander à un franc-maçon haïtien, quelle est sa mission entant que telle, ce serait un examen très difficile et quelques rares d’entre eux peuvent s’en sortir. Pourtant, si ce même franc-maçon, on lui demande comment jeter un loup-garou, dans un clin d’œil, la recette vous sera donnée et c’est presque la règle et non l’exception. Oui, ces types de connaissance ne sont pas instruits dans les loges, cependant la nature a toujours horreur du vide. Quelques frères n’arrivent même pas à saisir le symbolisme que cachent les pratiques en loge, les outils et les figures travaillées, entres autres. Seulement, ils leur ont donné une interprétation mystique. Où est la réflexion dans les loges ? Pourtant, la philosophie et l’ésotérisme devraient être au service de la philanthropie pour concrétiser la mission de la franc-maçonnerie. On doute qu’exclusivement l’essence de la franc-maçonnerie a été inculquée aux francs-maçons dans les loges haïtiennes. L’approche, certes, n’est pas celle du réductionnisme de méthode de Karl Popper, c’est-a-dire qui devrait isoler et soumettre chaque loge à une évaluation pour enfin formuler une conclusion, cependant la conclusion tirée pourrait être considérée acceptable, car l’approche adoptée est celle de l’holisme méthodologique, portée par l’épistémologue Français pierre Duhem. Ainsi selon l’approche méthodologique considérée, toute la franc-maçonnerie haïtienne est mise à l’épreuve à chaque instant qu’une loge haïtienne est soumise à l’examen. Cependant, en dehors de la question de méthode, n’est-il pas nécessaire de savoir si vraiment la conclusion tirée s’est bâtie sur des faits, et ces faits ne sont-ils pas accordés à la réalité traditionnelle du peuple ?

A travers les rues, on peut parfois remarquer des francs-maçons très extravagants qui se vantent pouvoir tout faire, soit comme grand mystique ou grand guérisseur, pour eux c’est ça être franc-maçon. On peut toujours dire parfois ce sont ceux qui profanent. Mais, des fois, ils le sont vraiment. Pour aller plus loin, à la fête de la Saint Jean, le Saint patron, vous pouvez voir certains des frères qui se contentent seulement de s’aligner dans la procession maçonnique des rues et n’entrent même pas dans le temple pour les suites des travaux. Seulement, ils veulent être vus comme   franc-maçons qui marchent en pleine rue ou pour exercer une recette mystique dans la procession. Evidemment, des traits de la tradition de la société sont imprégnés à la franc-maçonnerie haïtienne, mais aussi il est une quasi-vérité, des structures adaptées à la réalité n’ont pas été mises en place dans les loges pour inculquer aux adeptes ce qu’est vraiment la franc-maçonnerie et pour lutter contre les influences culturelles. Certes, en tant qu’institution, la franc-maçonnerie doit être et est toujours adaptée à la réalité culturelle du pays où elle se pratique, mais l’institution ne doit pas perdre son essence par rapport aux influences culturelles. Dans la mesure où le franc-maçon haïtien n’est pas construit, la franc-maçonnerie haïtienne souffre continuellement d’un déficit de qualité, et ce d’une génération à l’autre, car on ne partage que ce qu’on est comme construction, on est tous des constructions humaines. Mais concrètement, ces aprioris, sont-ils objectifs ? 

Communes à toutes les institutions humaines


Il faut éviter des fausses illusions et de faux jugements par rapport à une réalité. Les déviants existent partout et ailleurs à travers les institutions humaines, pourquoi pas dans la franc-maçonnerie. Quelque soit la structure adoptée et la méthode utilisée, certains contournent toujours les valeurs partagées. C’est pour dire que la franc-maçonnerie ne saurait être exempte de la réalité humaine, elle est faite d’hommes. Le désir de l’homme lui dirige toujours, alors qu’il est dans l’impossibilité de renoncer au désir, le désir est l’essence de l’homme, dit Spinoza dans la béatitude de la raison. 

 En plus, la prise d’assaut de l’institution maçonnique n’est pas une réalité propre à la franc-maçonnerie haïtienne, mais s’attache à  l’origine de l’institution. Bien qu’ à l’origine, on ne sait pas vraiment ce qu’étaient les objectifs des quatre (4) petites loges qui se réunissaient à Londres pour donner naissance à la Grande Loge de Londres, cependant l’histoire a raconté que les « camouflés » ont été toujours dans la franc-maçonnerie, car de très tôt après le 24 juin 1717, date officielle de la naissance de la franc-maçonnerie, certains (les aristocrates anglais) intégraient la Grande Loge de Londres pour satisfaire leurs objectifs et qui n’étaient pas ceux de la franc-maçonnerie. Car « En moins de deux (2) ans, cette « Grande Loge », dirigée par les artisans, fut complètement phagocytée par des gens issus de l’intelligentsia du temps et déviée de ses objectifs originels », propos relayés par Allain QUERUEL, dans son titre, Le grand livre de la franc-maçonnerie. Toutes ces considérations, c’est pour dire, juger la franc-maçonnerie haïtienne par rapport aux comportements de ses membres, n’est pas un acte totalement objectif non seulement par rapport à l’essence de l’homme, mais aussi par-ce-qu’ en tant qu’humains, nos jugements à la réalité ne suffisent pas pour déterminer la vérité, mais plutôt de la «vérisimilarité». Là-dessus, crucifier une institution comme la franc-maçonnerie haïtienne par rapport à ce que font ses membres, ce n’est autre que de la subjectivité, le comportement des membres d’une institution ne peut pas substituer à l’essence de l’institution en aucun cas.

En effet, malgré que l’homme soit difficile à saisir dans toute sa complexité, l’important c’est de faire ce que vous devez faire en tant qu’institution, c’est une obligation. Car on ne peut pas juger l’institution par rapport à ce que font ces adeptes, mais on peut la juger par rapport à ce qu’elle s’est donnée pour mission. Dans le cas de la franc-maçonnerie, sa philosophie est vraisemblable à une école de pensée, bien que ce ne soit pas totalement le cas, si on tient compte ce qu’est une école de pensée. Prise comme telle, sans inculquer sans relâche les valeurs maçonniques aux francs-maçons, une interprétation « étonnée » est possible des non maçons. 

La franc-maçonnerie, comme institution à caractère philosophique, épouse quelques notions fidèles de la philosophie. Car la philosophie, dès son origine, n’a jamais eu que deux (2) objectifs  indissociables : Apprendre à mieux vivre sur cette terre et connaitre la vérité. Donc pour un franc-maçon, philosopher c’est chercher le bonheur par la vertu et chercher la raison de l’existence. Ainsi chez les stoïciens, l’homme digne doit être capable de sacrifier ses intérêts personnels  à la vertu et au devoir. « Le bonheur s’en suit la vertu comme son ombre en premier : il faut d’abord chercher à accomplir son devoir, le bonheur s’en suivra naturellement ». C’est pourquoi une chose peut paraitre profitable à un franc-maçon, dès qu’elle est susceptible de rendre malheureux la société, son devoir en tant que franc-maçon, c’est de renoncer à la chose. S’efforcer à accomplir dignement sa mission durant son existence, c’est de la conscience maçonnique et cela devrait être commun à tous les Francs-maçons. Etre digne dans le bonheur est plus nécessaire qu’être heureux, pour Kant. En plus, Bentham a déclaré qu’aucun bonheur personnel ne pourrait être stable du fait qu’il n’est pas relevé d’une société heureuse, pour lui notre bonheur dépend de celui des autres. En effet, la fierté maçonnique ne doit pas se résider dans les décors, les grades maçonniques et du bien-être personnel, mais dans les valeurs partagées par la franc-maçonnerie. Cela devrait être la norme pour tous les francs-maçons, indistinctement. En Haïti, on attend encore à l’accomplissement de la mission de la franc-maçonnerie, mais si en réalité l’institution ne parvient même pas à construire ses hommes, comment espère-t-elle à reconstruire le pays ?

Bonne fête de la Saint-Jean et bonne méditation à tous les francs-maçons !

Lopkendy JACOB
lopkendyjacobrne@gmail.com

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