PubGazetteHaiti202005

Sauvés de la guerre entre gangs à Martissant, les réfugiés abandonnés au Centre sportif de Carrefour

Une vielle dame abandonnée au Centre Sportif

Ils ont fui les affrontements entre gangs armés dans la sortie sud de la capitale mardi dernier. Accueillis au Centre sportif de Carrefour par les autorités municipales intérimaires, le calvaire de ces habitants de Martissant et de Fontamara continue. Vivant dans des conditions infra humaines (problèmes de nourriture, d’eau potable...), les heures passées audit centre sont longues, l’avenir incertain se défile pour ces réfugiés qui ont tout perdu.

 


Il est 8h du matin ce mardi 8 juin 2021. Une semaine après le début de la guerre entre gangs armés de « Tibwa » et « Gran Ravin ». Traverser Martissant puis Fontamara pour se rendre à Carrefour est un long fleuve troublant. Ce malgré un cessez-le-feu apparent. Ces périmètres sont comme un désert abandonné. Ce n'est pas le blindé accosté devant le Sous-commissariat de Martissant qui va assurer les badauds, les passagers. Les quelques rares bus assurant le trajet Port-au-Prince au Grand Sud, roulent à toute allure. La peur habite ces espaces. 

 

À l'entrée du Centre sportif de Carrefour, tout semble calme. Des familles vidant les lieux en ramassant leurs effets prouvent que l'espace abrite des réfugiés de la guerre entre gangs armés de « Grand Ravin » et « Tibwa ».

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Laurène, est fatiguée de vivre ce calvaire dans cet espace. Elle et ses deux enfants, un petit garçon et une jeune fille laissent le centre après 2 jours en tant que réfugiés de la guerre de Martissant. « Nous n'avons pu rien sauver. Ma maison a été incendiée entièrement. Nous ne pouvons pas retourner à Martissant, et nous ne nous sentons pas bien ici », explique la mère des deux enfants, un paquet sur la tête, décidée d'aller se loger chez une amie. 


À l'instar de cette dame, plusieurs autres familles suivent cette tendance, emballant le peu qu'ils ont pu sauver de leur logis famillial. « Les conditions ne sont pas bonnes pour nous. Nous n'avons pas trouvé l'assistance de l'État depuis tout ce temps. Nous sommes obligés de partir », raconte une autre dame sur ses pas pressants. 

Au Centre sportif de Carrefour, les mesures barrières pour éviter la propagation du Covid-19 ne sont pas au rendez-vous. À l'instar de la nourriture qui devient rare pour eux, les réfugiés n'ont pas de cache-nez. 


« J'ai quatre enfants. Celui-là, le benjamin ne supporte plus la faim. Je vais lui acheter un pâté en attendant de voir ce qu'on nous donne à manger aujourd'hui », espère-t-elle, précisant qu’« ici » parfois la nourriture vient d'un bon samaritain. Elle est là depuis dimanche et ne compte pas retourner dans le logement qu'elle a loué à Martissant 17. 


De plus en plus d'enfants vivent cette situation


Ils sont au nombre de sept cents répertoriés sur le site, si l'on en croit Joseph Darline, mairesse reconduite à la commune de Carrefour comme agent intérimaire. Mais le décompte n'a pas été fait pour ces enfants qui courent, s'amusent comme si de rien était. Ils sont très nombreux. L'on peut identifier des nourrisons, des enfants en âge de scolarisation, des adolescents bien conscients de la situation.

Depuis l'évènement, ils sont plusieurs dizaines à se priver du pain de l'instruction toute catégorie confondue. 

Rony, agent de sécurité qui a perdu son emploi doit gérer à lui seul ses enfants se trouvant dans ce calvaire. Sa femme l’a abandonné. Rony comprend bien la raison. «  Ma première fille est agée de 17 ans. Elle fréquente la classe de NS1. Celle qui a 11 ans est en 5e année. Aucune d'entre elle ne peut se rendre à l'école pour boucler l'année scolaire », regrette le père de 46 ans. Rony fustige le fait que l'État considère les réfugiés comme des « cabris ». « Les réfugiés ont aussi des droits. Nous sommes laissés-pour-compte et sont traités comme des animaux. On nous menace même de nous déguerpir », dénonce-t-il, l'air frustré que les autorités ne leur viennent pas en aide « aux sans-abris ».


Dans cet endroit où plusieurs familles sont logées au sol sous des draps, tout manque. Les blocs sanitaires sont peu nombreux et certains WC sont bloqués. Jeannette tente de calmer son enfant qui n'a encore rien mis sous les dents alors qu'il sonne déjà 10h. « Oui on nous apporte la nourriture une fois par jour ici. À chaque fois, on sert le repas très tard après qu’on a fini de crever de faim. Mon enfant a le ventre vide depuis hier soir. Je ne peux même pas lui acheter un bonbon. J'ai tout laissé chez moi à Martissant », détaile avec désolation cette mère de famille. Ses proches sont allongés à ses côtés perdus dans un bruit assourdisant au niveau de la grande sale. 

Quand les bons samaritains viennent avec de la nourriture et articles de toilettes et de lessives, les vrais bénéficiaires ne sont pas touchés, fait remarquer Jeannette. 

 

Cette dame dans la cinquantaine avancée, fait bouillir la marmite pour son petit fils qui a faim. Pour la cuisson, elle n'a que du lait et du bonbon.  Quant à elle, son espoir pour se nourrir repose sur ce que la mairie donne aux réfugiés. Un repas par jour qui vient très tardivement et pas suffisant pour tous. 


Un peu dans l'entrée du Centre sportif de Carrefour, une dame tente de desservir 30 plats de « riz blanc » offerts par un bon samaritain. 


Darline Joseph, agent intérimaire, explique pourtant à Gazette Haïti que les réfugiés ont été nourris trois fois par jour. Elle informe que la mairie se préoccupe de la situation sanitaire de ces gens exposés au Covid-19. Plusieurs ONG ont visité l'espace qui sert d'abris provisoires aux déplacés de Martissant et de Fontamara.

Une semaine après l’éclatement des affrontements entre les gangs de « Gran Ravi » et « Tibwa » pour le contrôle de territoires, le président Jovenel Moïse n’a toujours pas fait de déclaration. Resté silencieux pendant plusieurs jours, le premier ministre a.i Dr Claude Joseph a donné un point de presse dimanche 6 juin pour annoncer que des dispositions ont été prises au plus haut niveau de l’Etat pour rétablir l’ordre dans la zone et accompagner les déplacés. 

 

 

 

 

Par Michelson Césaire

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