PubGazetteHaiti202005

Myrlène Siméon, portrait d’une entrepreneure aguerrie et passionnée de son pays, Haïti 

Myrlène Siméon


Entrepreneure dans l’âme, Myrlène Siméon fait d’Haïti, son véritable centre d’intérêt. Malgré les actes de vandalisme et de pillage dont ont été victimes ses entreprises en Haïti, elle reste imperturbable encore pour faire valoir son esprit entrepreneurial et son amour pour Haïti. Il y a quelques années, elle a lancé LokalAyiti. Elle s’est confiée à notre rédaction.

 

Le téléphone sonne. Myrlène, depuis les Etats-Unis, décroche. Elle attendait impatiemment cet appel pour parler de son parcours et de ses projets. « Allo, Daniel de Gazette ? », lâche-t-elle, visiblement hâte de se mettre disponible comme un livre ouvert prêt à être « défeuilleté ».

 

Myrlene Simeon est comptable, diplômée en marketing et agent de voyages.  Pendant plusieurs années, la native de Port-au-Prince s’est lancée dans les domaines du tourisme et des voyages. Peu après, elle a choisi de créer son propre magasin de beauté ; une expérience truffée d'embûches qui l’a obligée à fermer après dix-huit ans. « Mon magasin a été pillé, vandalisé dans mon pays, Haïti », explique-t-elle avec la voix remplie d’amertume.

 

Ces déconvenues n’ont pas forcé Myrlène Siméon à quitter le pays auquel elle est viscéralement attachée. Elles ont plutôt construit une femme mature, une entrepreneure aguerrie, d’un amour démesuré pour Haïti. « Je suis une entrepreneur passionnée et dévouée », confie-t-elle.

 

En 2019, quelques mois après les actes de vandalisme perpétrés contre son entreprise, loin des déboires qu’elle a connus, Myrlène Siméon a décidé de faire un saut et lancer LOKAL. « Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire, alors je suis entrée dans le monde de l’E-commerce en construisant un site en ligne pour promouvoir les talents et l'artisanat d'Haïti, en vendant des produits artisanaux faits à la main. C'est alors que l'idée de lancer des sacs perlés et des cartes de vœux m'a traversé l'esprit par l'étiquette LOKAL », explique-t-elle.

 

Elle perlait mais ne savait pas jusqu’où cela irait. Après quelque temps, Siméon a rencontré des problèmes avec sa main droite. Prise de panique, elle a tout de suite contacté un médecin qui l’a conseillée d'arrêter de perler si elle voulait avoir une main saine. Et c’est là qu’elle a réfléchi à d’autres alternatives.


« Un beau jour, sur Facebook j'ai vu Danielle Saint-Lot porter une robe à vèvès brodés, création d'une icône de la haute couture et de la mode des années 70-80, Marie Claude Depestre. C'est alors que j'ai senti que les Esprits voulaient me dire quelque chose - pourquoi ne pas imprimer ces symboles sur du tissu à la place ?  C'était la solution parfaite et l'opportunité de garder ma santé comme priorité et de chérir la culture de mon pays bien-aimé en même temps », raconte Mme Siméon.

 

La création d’un tissu imprimé de vèvè titillait depuis longtemps son esprit. Ce jour a été le véritable déclic. « C'était comme si les esprits avaient enfin entendu mes appels constants à faire quelque chose qui répond à mes besoins tout en me donnant la capacité d'apporter à la culture haïtienne la visibilité et la reconnaissance qu'elle mérite vraiment en la mettant sur un piédestal », indique-t-elle, s’estimant heureuse d’avoir tiré des leçons de ce voyage épique.

 

Avec ça, le projet a pris de l’ampleur. LOKAL s'est rapidement transformé en LokalAyiti avec le lancement de sa marque de textile, Révélation.  Dans les productions de textile, les vèvès, symbole que les prêtres vaudous dessinent autour d'un potomitan (lieu de passage des esprits), avec de la farine de maïs, de la farine de blé, du sirop de canne, de la cendre, de la craie ou toute autre poudre, sont grandement visibles. « Ils représentent le vaudou haïtien qui me séduit non seulement par leur symbolique mais aussi par leurs incroyables écrits », s’enflamme-t-elle.

 

Myrlène Siméon veut que chaque production de textiles imprimés avec les Vèvès soit influencée par la vision de l'essence culturelle haïtienne tirée de l'habillement classique et de la communauté de consommateurs. « Toute personne vêtue de ce tissu ressentira et affichera un message, une idée et une revendication réelle et se sentira à la fois autonome, inspirée et élégante », souligne Siméon, précisant que Lokal  « offre également aux artisans haïtiens un espace pour présenter leurs talents et leurs créations au reste du monde. »

 

Pour reproduire chaque Vèvè, Siméon est d'abord entrée dans un état méditatif afin de se connecter avec les symboles et les faire sortir de l'intérieur.  « Une fois que j'ai fini de dessiner, j'ai utilisé des couleurs vives et des détails complexes pour donner vie à chaque dessin », explique-t-elle. 

 

Les vèvès utilisés par Myrlène Siméon représentent différents Dieux ou Esprits du vaudou haïtien où chaque symbole a des pouvoirs spécifiques qui peuvent être utilisés pour la guérison ou la protection spirituelle. « En portant l'une de ces pièces, vous pouvez instantanément ajouter une touche colorée et une puissance spirituelle à n'importe quelle tenue, peu importe où votre journée vous mène », précise celle qui a son pays dans la peau. 

 

Lancer et pérenniser est fruit de grands sacrifices, selon la CEO qui confie qu’il y a eu d'innombrables fois où elle a voulu abandonner toute l'idée en raison de son ampleur.  « Cependant, je sentais ce feu brûlant à l'intérieur de moi qui ne cessait de me pousser vers l'avant.  Une envie créée par l'amour et la passion pour la création de ces belles œuvres d'art combinées à une forte détermination et un dévouement à la réalisation de quelque chose de plus grand que moi », conte-t-elle.

 

Myrlène Siméon se dit fière d’avoir réalisé son rêve de mettre des Vèvès sur des tissus.  « J'espère que d'autres me rejoindront dans ce voyage.  Chacun des dessins représente quelque chose de significatif », souhaite-t-elle, estimant que « porter des pièces inspirées de Vèvès nous rappelleront à tous à quel point nous sommes étroitement liés à nos racines, peu importe jusqu'où nous allons dans la vie ».

 

 

Par: Daniel Zéphyr

Category

Politique

Culture

Economie

Sport