PubGazetteHaiti202005

La question de la dette de l’indépendance au cœur d’une conférence-débat à l'Ambassade d'Haïti en France

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Dans le cadre du bicentenaire de l'indemnité coloniale et de l'établissement des relations officielles entre Haïti et la France, l'ambassade d'Haïti en France a organisé une conférence-débat le mercredi 9 avril, sur le thème : « Haïti et l’ordonnance royale du 17 avril 1825 (1825-1922) ». La professeure Klara Gusti Gaillard a été l’intervenante principale de cet événement qui a rassemblé des parlementaires français, tels que la sénatrice Micheline Jacques de Saint Barthélemy et le député Christian Baptiste de la Guadeloupe, ainsi que des représentants de l’OIF, du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ainsi que des membres de la communauté haïtienne de France.


 
« Les implications et les conséquences de l’Ordonnance royale du 17 avril 1825 sont nombreuses et soulèvent des enjeux, qui au-delà de l’actualité liée à son bicentenaire, méritent d’être abordés et examinés sous un angle historique et scientifique afin d’éclairer le présent. Voilà pourquoi le thème de la conférence est le suivant : Haïti et l’Ordonnance royale du 17 avril 1825 et couvrira la période allant de 1825 à 1922 », c’est en ces termes que le chargé d’affaires a.i d’Haïti en France, Louino Volcy, a campé le contexte de la conférence.
 
Devant ce parterre d’invités, le représentant diplomatique d’Haiti en France a affirmé que « l’initiative de l’Ambassade d’organiser ce 9 avril une conférence sur ce sujet d’une si grande importance n’est pas un choix anodin ni isolé. » En effet, cette ordonnance, ajoute-t-il, qui traduit, comme le reconnaissent les historiens, le paradoxe du vainqueur versant une indemnité au vaincu, a reconnu l’indépendance haïtienne à des conditions préalables non négociables tant territorialement, politiquement qu’économiquement. 
 
La conférencière, pour sa part, a offert une analyse détaillée du processus par lequel Haïti a été contrainte de verser une indemnité à la France après son indépendance. Elle a expliqué comment les présidents Pétion, Boyer et même le roi Henri Christophe avaient abordé la question, et les oppositions à l’acceptation de cette rançon initialement fixée à 150 millions de francs or, mais qui a été réduite à 90 millions en 1838. En dépit de tout, le pays a mis près d'un siècle à s'acquitter de cette dette et a dû contracter des emprunts majeurs en 1825 et 1857, avec le dernier paiement effectué en 1922.
 
L’insistance de l’historienne sur l'évaluation des biens à indemniser par la France, qui incluait non seulement les plantations, mais aussi les personnes réduites en esclavage, a suscité des discussions tant cela paraissait impensable. Cette évaluation, basée sur les registres coloniaux, a conduit Haïti à payer pour les vies humaines libérées, une exigence vivement critiquée par le président Pétion.
 
Comme toujours, un débat sur l’indemnité, la « dette », « rançon », ou « impôt », payés par Haïti pour son indépendance, fait suite à des questions sur la restitution. Mais Mme Gaillard, qui avait circonscrit son intervention sur la période de 100 ans qu’Haïti avait mis pour s’acquitter de la double dette, a mis toute son expertise pour exposer les faits historiques, décrire la nature de la dette coloniale, détailler les mécanismes d’évaluation, et souligner l’injustice profonde de cette indemnité.
 
En imposant à Haïti une dette pour avoir conquis sa liberté, la France a fondé une injustice historique qui reste, aujourd’hui encore, au cœur des débats sur les réparations postcoloniales. Cette dette, unique dans l’histoire des indépendances, constitue l’un des exemples les plus flagrants d’un colonialisme économique perpétué par d’autres moyens.

Ce jeudi 17, manque le bicentenaire de l’ordonnance du roi Charles X, contraignant le pays à payer une rançon d’environ 150 000 000 de Francs-or, en échange de son indépendance. Comme prévu, le président a publié une déclaration officielle où il reconnaît que « cette décision plaçait alors un prix sur la liberté d’une jeune Nation qui, était ainsi confrontée, dès sa constitution, à la force injuste de l’histoire ». Il a annoncé dans ce communiqué la création d’une commission binationale présidée par Yves Saint Geours et Gusti-Klara Gaillard Pourcet. Celle-ci sera « chargée d’examiner notre passé commun et d’en éclairer toutes les dimensions ». 

En Haïti, cette date a été commémorée par le conseil présidentiel de transition à la Villa d’Accueil. Au cours de la cérémonie, la création du Comité national haïtien de restitution et de réparation composé de 21 membres et la nomination de Mme Gaillard a été officialisée par la lecture de deux arrêtés publiés dans le Moniteur.  

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