La nouvelle de la mort, lundi 31 juillet 2023, de Liliane Paul-Paul, journaliste célèbre de Radio Kiskeya, suite a une crise cardiaque, nous est tombée sur la tête comme un coup de massue. Il n’est pas différent pour de nombreux citoyens haïtiens, tous secteurs confondus qui ont ressenti cette profonde tristesse de voir partir un des rares symboles d’engagement, de courage, de conviction et de rectitude qu’il nous restait en Haïti.
Les vibrants hommages rendus ( allant des autorités gouvernementales, de membres du corps diplomatique, d’acteurs politiques, de confrères et consœurs journalistes à de simples citoyens) à cette icône de la presse haïtienne sont le témoignage de la reconnaissance du combat mené durant toute sa vie pour la démocratie dans le pays.
Nous ne pouvons toutefois cacher notre profond dégoût et notre colère de constater une avalanche de propos haineux et honteux de certains internautes fanatiques contre Liliane Pierre Paul, cette grande figure de la presse haïtienne. Cette grande dame qui a pratiquement consacré toute sa vie à lutter pour le bien-être du peuple haïtien.
Jeune journaliste à Radio Haïti-Inter, elle a bravé le danger de la dictature des Duvalier. Elle a connu la prison, la torture et a été contrainte à l’exil. Et ces épreuves n’ont jamais réussi à la réduire au silence.
En 1994, Liliane Pierre-Paul a fondé sa propre station, radio Kiskeya avec ses amis Marvel Dandin et Sony Bastien, de regretté mémoire. Son combat pour le changement en Haïti allait se poursuivre sans jamais s’arrêter jusqu’à ce lundi funeste. Son édition de nouvelles chaque 4h de l’après-midi est devenu un rendez-vous incontournable de la presse en Haïti où le « journalisme engagé » a trouvé tout son sens.
Que reprochent-ils à Liliane?
La plupart des publications ou commentaires proviennent des gens qui semblent être des partisans de Jovenel Moïse, assassiné le 7 juillet 2021 par « un commando armé ». Ils reprochent à la journaliste ses critiques envers le feu président, comme quoi elle aurait participé à l’assassinat de caractère de l’ex chef d’Etat et, suivant leur logique abracadabrante, empêché ce dernier de « développer Haïti » à travers son journal.
Donc, pour eux Liliane Pierre-Paul mérite bien sa belle mort pour avoir dénoncé la mauvaise gouvernance de l’ancienne administration, alors que toute sa vie elle n’a jamais cessé d’avoir cette position dès qu’il s’agit de défense des intérêts supérieurs de la nation à l’aide de son micro, son arme de combat.
Sur les réseaux sociaux, ils sablent le champagne à l’annonce de son décès et disent ouvertement attendre impatiemment la disparition de tous ceux qui osaient s’opposer à Jovenel Moïse.
Le pire, c’est qu’ils sont nombreux à avoir, eux-mêmes, fui Haïti à cause de l’insécurité, entretenue par les autorités de l’époque à travers la fédération des gangs armés. Une première dans l’histoire du pays: des bandits qui se sont officiellement associés avec la complicité de l’État, dans le seul but de garder le pouvoir par la peur et la barbarie.
A lire certains commentaires, on a comme l’impression que Liliane Pierre-Paul a fait plus de mal au pays en tant que journaliste exerçant son métier que les dilapidateurs des fonds Petrocaribe.
Au delà de ces personnes dénuées de toute capacité de jugement, il se pose un grave problème de mémoire, de transmission et de respect de valeurs dans ce pays. Cette nouvelle génération n’a visiblement aucune connaissance, même récente, de l’histoire politique haïtienne, des combats menés par des personnalités au péril de leur vie. Ce qui aujourd’hui paradoxalement leur donne toute cette latitude de pouvoir s’exprimer, cracher leur venin sur n’importe qui sans avoir la crainte d’aller pourrir en prison ou de prendre le chemin de l’exil.
La société haïtienne ne doit pas tolérer que l’on souille les dépouilles d’une icône, d’une légende, d’une combattante, bref, d’un monument comme Liliane Pierre-Paul.
Le travail de mémoire, la transmission et le respect des valeurs méritent l’attention de toutes les institutions impliquées d’une manière ou d’une autre dans l’éducation ou la formation de notre jeunesse. Si dès maintenant on ne prend pas garde à ce virage qu’emprunte notre société, particulièrement nos jeunes à l’heure de cette « savane numérique », les chocs de notre accident seront fatals.
Il est urgent que la famille, l’école, l’église, les médias, etc, assument leurs responsabilités face à ce débâcle sociétal où la mémoire et le respect des valeurs n’existent plus.
Liliane Pierre-Paul a droit à tous les honneurs pour ses luttes en faveur de la liberté de la presse, du respect des droits humains et de la justice sociale.
Par Gazette Haïti News
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