
Le duel entre Don Bosco et le Violette AC, disputé le jeudi 8 mai 2025, a viré au malaise collectif. Sur un terrain indigne, les joueurs ont lutté davantage contre la pelouse que contre leurs adversaires, exposant au grand jour l’abandon structurel du football haïtien.
Au parc Sainte-Thérèse de Pétion-Ville, l’ambiance aurait dû être à la fête. Pourtant, le match opposant Don Bosco au Violette Athletic Club a rapidement sombré dans la désolation. Non pas en raison du score, mais à cause de l’état lamentable du terrain. Le revêtement synthétique, visiblement à bout de souffle, était troué, bosselé, raviné par les pluies récentes, et parsemé de crevasses. Un véritable obstacle à la pratique du football, et surtout, un reflet criant du mépris envers le championnat national.
Durant la rencontre, l’un de nos reporters s’est entretenu avec plusieurs supporters, choqués par les conditions dans lesquelles les joueurs étaient contraints d’évoluer. « C’est une honte. Ce terrain n’est pas digne d’un match de championnat national », a lâché, écœuré, un fan du Violette FC à la sortie du stade. Selon lui, ce championnat « ressemble davantage à un cocktail de farce insipide qu’à une vitrine du sport le plus populaire du pays ».
Dans les gradins clairsemés, l’indignation était palpable. Une jeune spectatrice, souriante malgré la colère, n’a pas hésité à exprimer son incompréhension : « Moun yo mechan pou yo kite jwè yo jwe sou yon teren konsa. Ou pa menm ka wè si yon gòl fèt », a-t-elle dénoncé, pointant du doigt l’indifférence des autorités responsables. Sur la pelouse, les joueurs glissaient, trébuchaient, peinaient à contrôler le ballon. Un spectacle pénible, où l’amateurisme des infrastructures prenait le dessus sur le talent des athlètes.
Ce qui a choqué davantage, c’est l’absence totale d’ambiance, même lorsque des joueurs semblaient blessés. Pas de réaction des officiels, pas de prise en charge rapide. « Les dirigeants du sport haïtien ne peuvent pas continuer à offrir ça aux joueurs et aux supporters. Ce n’est pas un terrain de football, c’est un piège ! », s’est emporté un autre spectateur, arborant fièrement le maillot de Don Bosco.
Cette atmosphère pesante et résignée contraste avec l’histoire glorieuse de ces deux clubs. Don Bosco et Violette ne sont pas des équipes anonymes : ils incarnent des pages entières du football haïtien, avec des trophées, des générations de talents, des rêves de grandeur. Le Violette, en particulier, a été sacré champion de la CONCACAF. Les voir évoluer dans de telles conditions est vécu par beaucoup comme une humiliation nationale.
« C’est dangereux pour les joueurs, et humiliant pour Haïti en 2025 », a commenté un fanatique, debout dans les gradins. « Comment voulez-vous former de futurs Grenadiers si nos meilleurs clubs jouent dans des conditions pareilles ? »
Ce triste épisode au parc Sainte-Thérèse n’est pas un cas isolé. Il témoigne d’une faillite plus large, structurelle, qui menace l’avenir du sport en Haïti. En l’absence d’investissements sérieux, les infrastructures se dégradent, les terrains municipaux sont abandonnés, et aucun stade national ne répond véritablement aux normes internationales.
Pendant ce temps, les clubs se battent pour survivre, sans soutien étatique, avec des moyens dérisoires, dans un contexte d’insécurité généralisée. Et malgré cela, le football continue — par instinct, par passion, presque par miracle.
« Le sport est censé être un facteur d’unité, un moyen d’élever la jeunesse. Mais ce qu’on voit là, c’est le contraire. C’est le signe d’une société en faillite », déplore un étudiant en droit, assis non loin de notre journaliste sportif. Son regard, désabusé, en disait long sur le sentiment d’abandon ressenti par une génération qui aimerait croire encore au pouvoir fédérateur du football.
Arnold Junior Pierre
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