PubGazetteHaiti202005

Anthologie des poètes et diplomates haïtiens de 1804 à nos jours: son auteur Maguet Delva répond aux questions de Gazette Haïti

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GH-Ce livre sur les poètes et diplomates haïtiens de 1804 à nos jours est-ce une nécessité historique ou vous voulez tout simplement partager avec vos lecteurs, votre passion pour l’histoire et la nôtre en particulier?
 
MD-Oui on peut voir les choses comme ça, car l’histoire poético-littéraire et diplomatique de notre malheureux pays est au cœur de ce livre, publié en deux tomes, chez les Éditions+ à Bordeaux en France. Ce que je veux, c’est de contribuer à redonner des mémoires à la diplomatie haïtienne et ce en regroupant les faits historiques, les hommes qui les ont faits. Evidemment, en commençant par les poètes diplomates haïtiens. En effet, je crois avoir effectué une introduction très instructive sur d’autres recherches et livres à venir. Il faut le dire jusqu’à ce que les sourds puissent l’entendre, la diplomatie haïtienne dans le temps était une affaire de l’esprit. La diplomatie de l’Esprit chère à nos ancêtres n’est plus de mise, c’est un constat qui ne souffre d’aucune ambiguïté.

GH-Comment se manifestait cette diplomatie de l’esprit? 

MD- Nous avions eu des ministres des relations extérieures écrivains et diplomates, des présidents diplomates écrivains, nous avions eu des ambassadeurs plénipotentiaires diplomates et écrivains. Chacune de cette catégorie représente l’histoire de la diplomatie haïtienne. Il y’a matière à construire une œuvre, c’est ce que je compte explorer, bref écrire sur l’histoire de la diplomatie haïtienne. C’est un vaste chantier qui s’est ouvert devant moi. Revenons-en aux poètes diplomates haïtiens. Dans ces deux tomes vous allez faire connaissance avec Hérard Dumesle dont le destin s’est confondu entre diplomatie, poésie, politique et journalisme pour finir par être exilé à la Jamaïque et y meurt comme de nombreux chef d’Etats haïtiens d’ailleurs. Là-dessus je vous recommande l’excellent livre de l’actuel ministre des Affaires Etrangères éloquent sur l’exil de nos chers présidents et autres à la Jamaïque. Notre poète diplomate est mort là-bas j’ignore si son corps avait été rapatrié.
 
(J’ai constaté avec effarement et douleurs que François Duvalier était aussi poète, diplomate, diplomatie politique je comprends mais poète je n’avais jamais entendu parler).
 
Mon livre n’est pas un livre politique au sens partisan du terme. J’ai pris ce que l’histoire et la littérature m’ont donné comme matériaux de travail. François Duvalier avant de devenir le dictateur que l’on connait, était un intellectuel qui écrivait presque dans tous les journaux, revues de la capitale y compris dans le « Petit impartial » fondé par Jacques Roumain. Oui François Duvalier fut poète mais surtout il publia des articles très pertinents sur les relations internationales et la diplomatie haïtienne. On peut penser ce que l’on veut du dictateur haïtien, il était un poète qui exprimait son moi dans de très belles métaphores. Il faisait partie de ces présidents écrivains et diplomates. Dans cette présente anthologie nous avons Louis Borno, bref c’est un travail qui m’a pris six ans. Cela faisait longtemps que je tournais autour de ce double sujet. Entamé, vite abandonné je l’ai repris en 2019 cette fois je l’ai amené au bon port. Il faut dire, des diplomates poètes haïtiens c’était monnaie courante dans les couloirs du ministère des Relations Extérieures; quelque chose qui était familier à la diplomatie haïtienne. Ce d’autant plus qu’à l’époque la poésie et la diplomatie couraient sur le même dossard, à savoir créer un climat de paix. Quand un Plénipotentiaire comme Georges Sylvain arriva en France comme ambassadeur avec résidence à Paris, c’est le poète aux métaphores joyeuses que les journaux venaient interroger et sa première apparition publique c’était pour réciter quelqu’un de ses poèmes devant un public conquis, bref je veux poser les jalons, les bases des recherches sur notre diplomatie car il n’y a quasiment plus de recherches encore moins de publications sur la diplomatie haïtienne. Je veux largement contribuer à y remédier.
 
Vu que les  archives manquent singulièrement dans notre pays, comment faites-vous pour les rassembler et regrouper ?

C’est à la fois vrai et faux en même temps. Nos archives existent, il faut tout simplement les rechercher et les regrouper. Surtout ne plus jeter nos archives comme cela se fait encore et je sais de quoi je parle. Sous prétexte de ne pas laisser de traces, pour une raison ou une autre, on est amené parfois à détruire les biens de l’État, car nos archives, ce sont les biens de la population. Je reconnais volontiers que c’est difficile à faire admettre car psychologiquement nous pensons qu’à nous dans l’exercice de nos fonctions, pas à la génération future. Heureusement des compatriotes conscients comme Frantz Voltaire CIDICHA à Montréal s’occupent aussi entres autres de nos archives diplomatiques, Gilbert Mervilus un pionnier dans le domaine sans oublier mon collègue Milcé, poète, écrivain et diplomate qui s’occupe des archives du ministère des Affaires Etrangères qui fait un excellent travail.
Quant à nos archives diplomatiques c’est une nécessité absolue de les chercher, rechercher, les regrouper, les scanner, les numériser, et de les mettre à la disposition du public, des chercheurs. C’est ce que j’essaie de faire depuis deux années en créant le RADRH= Rassemblement des archives diplomatiques et des documentations de la République d’Haïti sur lequel travaille l’ingénieur en informatique Evens Nicolas pour donner forme au projet à la fois esthétique et technique. Notre objectif est de numériser dans un premier temps toutes les correspondances diplomatiques du pays avant 1804 car Toussaint Louverture avait une diplomatie très active, puissante même, d’un certain point de vue. Dessalines aussi d’ailleurs contrairement à ce que des types colportent, le fondateur de la patrie avait bien compris les enjeux internationaux de l’époque. Comme disait Leslie Manigat ne crachons pas dessus, ceci est fondamental pour comprendre nos cheminements chaotiques dans les relations internationales. Pour le précurseur et le fondateur là j’ai déjà regroupé pas mal d’archives et des documentations. Nous pensons dans deux ans tout au moins de finir les numériser. Après nous attaquons la période de 1848 à nos jours, bref, nous avons un calendrier de travail.

Cet ouvrage est-il une initiative personnelle ou un projet du ministère des affaires étrangères ?

Mon cher l’Etat Haïtien ne m’a rien demandé du tout. Simplement cela fait quelques années depuis que je travaille comme simple employé dans nos missions diplomatiques à l’extérieur je connais très bien la situation et le sort réservé à nos archives. Cela fait belle lurette depuis que je m’en occupe. Combien de fois, j’ai sauvé des archives diplomatiques que certaines mains qui n’avaient rien à faire au sein de notre diplomatie s’apprêtaient à aller jeter car inutiles à leurs yeux inutiles, mais très précieux aux miens. Je ne souhaite pas pour mon pays que des pays étrangers ou fonctionnaires internationaux viennent s’occuper de nos archives et de les numériser à notre place. Ceci a déjà eu lieu dans d’autres domaines, je ne veux pas que ces humiliations se répètent par respect pour nos pères qui ont tant souffert pour nous donner ce pays. Je veux encore avoir quelques égards pour eux dans ce que je pose comme actes.

(D’où vient ce projet d’écrire ce livre qui n’a pas été encore écrit), c’est un coup de maître d’essayer de placer tout ce petit monde de la poésie et de la diplomatie dans une boîte unique 

Curieusement c’est Madame Michèle Pierre Louis première ministre qui avait participé aux journées européennes à Strasbourg en 2008, qui lors d’un déjeuner nous parlions de tout et de rien quand elle a dit il faut qu’il y ait une anthologie des poètes haïtiens qui ont été en même temps diplomates. Je rappelle c’est le cas de son grand père Ulrick Duvivier, qui fut le dernier ministre des relations Extérieures, avant la grande débâcle de 1915. Depuis je n’ai pas cessé de faire des recherches en ce sens, jusqu’à ce que j’ai commencé à mettre les bouchées doubles depuis trois ans pour aboutir à ce travail inachevé, car une anthologie n’est jamais terminée. Comme souvent dans un travail de ce genre, il y’a des surprises. La première est sans aucun doute est celle de François Duvalier poète j’entends déjà des cris d’orfraies pourtant le dictateur sanguinaire fut un vrai poète au sens où il avait très bien su exprimer ses émotions avec des grandioses métaphores. J’ai mis dix ans pour mettre la main sur l’intégralité des poèmes du dictateur sanguinaire. Mais pour le président Stenio dont ses dix ouvrages confirment sans aucun doute son statut d’écrivain diplomate. L’ancien maire de notre capitale est un écrivain diplomate chevronné et avait passé l’essentiel de sa carrière comme diplomate en Europe. Mais voilà que j’ai de forts soupçons basés sur des témoignages fiables que l’ancien président fut aussi un excellent poète. Mais je n’arrive pas à mettre la main sur ses poèmes, ce n’est que partie remise. Je suis encore à chercher ses poèmes de les ajouter lors d’une prochaine publication.
On voit dans ce travail, se dégage un prisme patriotique enlevé, à vous lire, il y’a une certaine jubilation à parler des poètes diplomates avec ferveur et pour d’autres, cette ferveur est vite retombée pourquoi ?
 
Oui en effet on ne parle pas du moins on n’écrit pas avec les mêmes jactances patriotiques quand il s’agit de Georges Sylvain ou encore de notre Jacques Roumain national, c’étaient deux patriotes qui s’étaient battus avec des visières levées contre l’occupant de 1915 et qui ont écrit des poèmes compatibles avec leurs fonctions diplomatiques. En face il y avait Borno et Constantin Mayard, deux collaborateurs immédiats de l’occupant de 1915 et ce Constantin Mayard a eu le culot de prononcer cette sentence antipatriotique « L’occupation rentre dans tout sa beauté » elle ne doit pas été levée. Pourtant c’était un de nos plus grands poètes diplomates. Contrairement à la France qui avait sévèrement jugé les collaborateurs de l’Allemagne, par exemple le général de Gaulle avait refusé de gracier Robert Brasillach jugeant que ce dernier en tant qu’intellectuel influent avait joué un rôle considérable dans la défaite de son pays et Brasillac avait été jugé condamné, fusiller. Or Le poète Constantin Mayard avait poursuivi sa belle carrière diplomatique et poétique d’ailleurs il meurt en fonction à Buenos Aires.

Avez-vous d’autres projets de publication à caractères diplomatiques, si oui lesquels
 
Évidemment je travaille sur des portraits des ministres des relations extérieures de la République d’Haïti qui furent ministres mais aussi écrivains. Parmi lesquels les théoriciens de nos malheurs je veux parler De Firmin, Demesvar Delorme, Frédéric Marcelin, Louis joseph Janvier Etheart, Hérard Dumesle, nous avons du pain sur les planches. L’actuel ministre des Affaires Etrangères est doublement concerné parce qu’il est à la fois historien diplomate et écrivain.
 
 
 
 
 
Par Gazette Haïti News 

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